En cette période post-fêtes, bringues et calories, où on a le coeur aussi gros que le cul, j’ai envie de partager avec vous cette lettre accrochée au frigo, entre un diplôme d’escrime (blason rouge) et une recette de carottes râpées à l’orange. On est quelques jours avant Noël mais on y croit à peine, les températures sont trop douces, a moins que l’enfance soit trop loin. Un soir on trouve devant notre porte cette lettre, accompagnée d’un morceau de papier alu.
On déchiffre la lettre et on découvre, en substance, ces mots-là : « on est voisins, on vit à quelques murs d’écart, on vit une drôle de période, on entend dire que c’est chacun pour soi, on est à quelques jours de noel, on est beaucoup moins seuls qu’on le croit, on voulait juste vous dire qu’on est là, pour un café ou un brin de causette, que vous pouvez venir frapper à la porte quand vous voulez, ou pas, c’est exactement comme vous avez envie, on a cuisiné ça pour vous et pour tous les habitants de la rue, un cake de Noël aux épices, on espère que ça vous fera plaisir, et peut-être vous croiser, on vous souhaite de belles fêtes, N. et J. »
C’était signé de la main de l’homme, de la part de sa copine et lui, c’était joliment tourné et ça sentait la cannelle, c’était doux et sucré, inespéré et touchant, alors on l’a dévoré, on a cuisiné à notre tour un truc qui sentait noel et on est allés sonner.
On ne savait pas tres bien à quoi s’attendre, on ne savait surtout pas qu’on aurait à ce point ce sentiment d’être attendus. Ils ont ouvert grands leur porte, leurs bras et le bac à bières de leur frigo. J., l’auteur de la lettre, était là, pas N., sa copine, rentree dans sa famille pour les vacances. Il fallait l’entendre répéter « c’est dommage qu’elle soit pas là, j’ai hâte que vous la rencontriez, vous verrez, elle est géniale comme nana », dit de cette façon avec cet enthousiasme qui manque souvent aux amoureux, je trouve surtout dommage qu’elle ait pas été là pour entendre ça.
Il y avait aussi un des colocs de la maison, qui racontait s’être un peu marré en les voyant fabriquer leurs 70 kilos de cake pour toute la rue, mais qu’ils avaient eu raison, c’est quand même fou d’être si proches et si loin en même temps. On ne sait évidemment pas si ce truc si imprévisible qui transforme l’essai des premières rencontres se fera ou pas, mais je sais que grâce à eux, pour les habitants de cette rue de Montreuil, la cannelle aura pour toujours un goût un peu différent.